Représentations du Minotaure

Ce skyphos (vase à boire) a été créé en Béotie il y a environ 2600 ans. Son créateur est inconnu. On peut y voir le combat entre Thésée et le Minotaure. Les Athéniens, que Minos avait battus à la guerre, étaient obligés d’envoyer tous les 9 ans sept jeunes garçons et sept jeunes filles pour le Minotaure qui se nourrissait de chair humaine. Thésée, refusant cet affront, décida de combattre le monstre afin de délivrer les Athéniens de ce malheur.

Sur l’autre face du skyphos, se trouve également Ariane, tenant son fil afin de guider Thésée jusqu’à la sortie du labyrinthe. On retrouve à travers cette œuvre la technique picturale des motifs noirs sur fond rouge. Le Minotaure y est une créature hybride anthropophage mais qui représente le combat pour ne pas se perdre dans le «dédale de son humanité», symbolisé par le labyrinthe et le fil d’Ariane.

La dépouille du Minotaure en costume d’Arlequin est un rideau de scène créé en 1936 par Luiz Fernandez, d’après une gouache préparatoire de Picasso. Elle a été conçue pour la pièce 14 juillet de Romain Rolland. Au premier plan, à droite, on peut voir un homme à tête de rapace, peut-être un aigle, qui porte le Minotaure, inerte, habillé d’une cape rouge et d’un costume d’Arlequin. Au deuxième plan, à gauche, deux hommes, un jeune et un barbu plus âgé, semblent lui barrer la route. Le sol et le ciel remplissent tout le reste de l’espace, afin de mettre l’essentiel du tableau, les personnages, en valeur.

Cette œuvre, créée peu avant la Deuxième Guerre mondiale, porte un engagement politique fort et dénonce en fait le nazisme. En effet, le personnage à tête de rapace représente le régime d’Hitler qui a pris le pouvoir en Allemagne et qui étend son ombre sur toute l’Europe. Le Minotaure, quant à lui, symbolise Picasso lui-même, une représentation qu’il utilise fréquemment dans ses œuvres (comme dans le tableau Dora et le Minotaure créé en 1936 par exemple). Il se positionne donc en ennemi du nazisme, le montrant comme une menace de mort. Les deux personnages à gauche représentent le Front populaire ; le jeune homme symbolise la jeunesse et le barbu, la sagesse. Picasso souligne donc une dualité entre les deux parties.

Si les deux œuvres que nous venons d’étudier utilisent toutes deux la figure mythologique du Minotaure, elles ont cependant des différences majeures. Tout d’abord, on peut constater qu’au XXe siècle, la morphologie du monstre, ses caractères physiques restent identiques par rapport à l’Antiquité. Mais le Minotaure chez Picasso n’est pas là pour parler de lui-même, il est une métaphore de l’artiste.

La seconde différence majeure entre les deux œuvres est leur intention. En effet, la décoration du skyphos a pour but de raconter une histoire, d’illustrer le mythe du Minotaure. Picasso, lui, a voulu faire passer un message politique engagé en utilisant entre autres symboles celui du monstre, sorti de son contexte d’origine.

Enfin, dans une analyse purement plastique, on peut constater une différence de représentation de la bête : en effet, les vases grecs représentaient toujours des scènes à plat, là où le rideau de scène montre un effet de perspective. Cependant, cet exemple n’est pas représentatif des codes plastiques de Picasso qui crée majoritairement des personnages sans perspective, en deux dimensions.

Ainsi, c’est en cela que le Minotaure a évolué dans l’art, de l’Antiquité à l’époque contemporaine. Le Minotaure symbolise le rapport de l’homme à son animalité. Sa représentation s’est élargie pour qu’il puisse devenir, chez Picasso, la symbolisation de lui-même projetée dans un contexte politique contemporain.

Analyse rédigée par Youri, helléniste de 2e, dans le cadre de son portfolio